Le système judiciaire en Guinée

Le système judiciaire en Guinée

Entretien avec maître Mamadou Laminé Fofana, conseiller spécial auprès de la présidence guinéenne pour la réforme du secteur de la justice.

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" Les gens ils vont en justice, ils plaident pendant des années, parce que ça prend énormément de temps, et ils ont une décision judiciaire qui est définitive parce qu’elle revêtue la formule exécutoire. "

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Le système judiciaire en Guinée

Entretien avec maître Mamadou Laminé Fofana, conseiller spécial auprès de la présidence guinéenne pour la réforme du secteur de la justice

Dakar, juillet 2013

Qu’est-ce que vous trouvez comme défi ? Les défis et les avancées ?

Les défis, il faut tout faire pour, si je peux m’exprimer ainsi, éliminer les séquelles de la révolution, les séquelles que tout le monde juge.  Ca c’est le défi. Comment replacer la confiance de ce peuple dans sa justice, elle est rendue au nom du peuple, mais qui ne lui fait pas confiance. Et pour diverses raisons, n’est-ce pas, les magistrats ne sont pas bien traités, on les accuse de corruption, on les accuse de tous les maux, et cela quand même, le défi également c’est de les mettre dans leurs conditions. C'est-à-dire, maintenant, il faut tout faire pour mettre le magistrat à l’abri de la tentation. Si on est corrompu, c’est parce que on est devant des difficultés. Quand on voit le traitement des magistrats guinéens, je vous assure que quand on vous dit qu’ils se sont laissé corrompre, on ne peut pas les condamner. Donc le défi c’est d’abord là. Ensuite, l’autre défi c’est, tout faire pour que ce peuple retrouve sa confiance dans sa justice. Voila les deux principaux défis. C'est-à-dire, faire des magistrats, n’est-ce pas, des magistrats dignes et loyaux, comme ils le disent dans leur serment, parce que quand ils rentrent en fonction ils prêtent le serment de se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat, premier défi. Deuxième défi, et bien, chercher dans leur comportement, par leur action, par, n’est-ce pas, tout ce qu’ils font, d’établir la confiance  au nom duquel ils rendent la justice.

Et les avancées ? Vous trouvez que ca a avancé la réforme de la justice en Guinée ?

Ce que je veux dire, ca avance la réforme de la justice en Guinée parce qu’on a déjà deux projets en quatre mois. Bon, le comité de pilotage date du 20 mars [2013], la création. Alors entre le 20 mars et le 20 juin ici, il y a déjà deux lois qui sont sorties, bon, ça c’est une avancée significative.   Oui, ça a passé tout le  su-qui, le conseil national, la cour suprême et promulgation. Donc c’est une avancée significative.

Et quels sont les besoins de ce comité national de la justice justement? De quoi avez-vous besoin, là, parce que vous êtes dans les phases initiales ?

Oui, les besoins, c’est les moyens. Je vous parlais tout à l’heure, quand on parle d’indépendance, et ben, pour être indépendant, il faut être à l’abri. Il y ça, et il y a également la situation matérielle des magistrats. Il faut que, je vous disais qu’il y a au moins une douzaine de tribunaux qui fonctionnent sous l’arbre à l’arbre. Il n’y a pas de bâtiments, il n’y a rien. Il ne faut pas en arriver là. Il faut les mettre dans les conditions. Quand vous allez au ministère de la justice, vous avez deux directeurs dans un bureau. Deux. Vous voyez ce que ça fait ? Ca ce sont des défis, ce sont des besoins énormes. Il  n’y a pas de, comment dirai-je, de moyens de saisie et de jugement. Si je vous dis comment les jugements sont saisis, et bien on les envoie, comment dirai-je, à l’extérieur pour aller les saisir avant que le président l’officine.... Et tout ça, ce sont des défis à relever. Les moyens matériels, les moyens infrastructurels et tout ça font défaut, brillamment.

D’accord. Et dernière chose peut-être, vous avez par lé de l’accès à la justice et ce que je voulais dire, la sortie de la justice. Vous pouvez un peu parler de ça ?

Oui, quand on parle d’accès, bon d’accord, on ne sait jamais, il y a  un autre problème qui se pose face à cet accès en Guinée, c’est la sortie. N’est-ce pas ? Les gens ils vont en justice, ils plaident pendant des années, parce que ça prend énormément de temps, et ils ont une décision judiciaire qui est définitive parce qu’elle revêtue la formule exécutoire. N’est-ce pas. Ca veut dire que quand l’huissier présente le jugement à n’importe quel détenteur de la force publique, il doit l’assister pour l’exécuter parce que c’est rendu au nom du public. Très malheureusement, quand l’huissier se présente, ou c’est lui qu’on prend pour mettre en prison, ou alors, bon, c’est le ministre qui appelle pour dire « arrête ». Ou alors, et bien, le ministre appelle pour dire bon alors, il faut prendre un référé sur difficulté, ou alors il faut prendre un sursit à exécution et quand la demande est déposée devant un juge pour le sursit à exécution, le ministre téléphone pour dire bon il faut apporter une solution. Puis ça s’arrête là. Donc il faut absolument qu’on se penche sur cette chose. C’est parce que si on fait une statistique, il y a au moins 80% des décisions rendues au cours de ces dernières années qui n’ont pas été exécutées que les gens, on te remet. Et sans exécution, ils ne voient pas la finalité de la justice. Donc il faut qu’on imagine une formule qui permette de, n’est-ce pas, de faire exécuter leurs décisions. Sinon, la justice n’a pas de sens.

 

 

 

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